Voici qu’un peu
d’inadvertance laisse entrouverte la cage. Le canari qui y trône
sait bien que ce lieu est plus un camp retranché que la geôle que
l’on croit, et quand il voit une griffe là où il n’y en a jamais
eu, les aigus qu’il pousse font accourir sa maîtresse ( qui est
aussi celle du chat ) pour que l’intrus soit contrarié dans sa
manœuvre et se retrouve, entre deux claques, au garde-à-vous :
– Ingrat que j’engraisse ! dit-elle au griffu, tu m’aurais mis à
sang cet oiseau innocent... Pour ta peine, tu n’auras rien du
coq-au-vin que je prépare.
– Pardon maîtresse, mais n’est-ce point là un oiseau tout aussi
innocent ?
– Certes, mais pas de compagnie ni même d’agrément : il n’a pas eu
de maîtresse, lui. Et comme nul ne l’a jamais chéri, qui pourrait
le pleurer ?
– Surtout pas moi ! car, privée d’amour, sa chair ne peut qu’être
fade, alors que celle d’un canari câliné...
– Suffit ! mon canarinou est à moi, à moi, et à moi !
Face à tant d’arguments, il ne reste au miauleur qu’à être de taille à croquer la maîtresse s’il tient vraiment à goûter au dessert.