En pinciez-vous pour moi, m'étiez-vous assez brune ?
Nous parlions d'autre chose, assis bien sagement,
quand l’un de vos cheveux, comme un rayon de lune,
illumina ma joue – on ne sut pas comment.
Tant de mots nous manquaient que nous lûmes ensemble
un poème de vous (qui me parut de moi),
quand l’une de mes mains, dégantée il me semble,
perçut en vous frôlant un peu de votre émoi.
Rappelez-vous la scène où les nœuds se défirent :
votre cœur avança sur la pointe des seins.
Rappelez-vous comment nos deux bouches s’unirent
et jusqu’où votre miel attira mes essaims.
Rappelez-vous qu’à l’heure où vous fûtes Elvire,
où la fouille sans gants dégaina nos secrets,
rappelez-vous combien, sans nul mot pour le dire,
nous connûmes l’essor et brisâmes les rets.
Souvenez-vous du soir où nous jouions sans rôle
et de l’aube où je fus... l’unique survivant.
Soyez ensevelie au plus proche d’un saule
afin que son feuillage envahisse le vent.
in « Poèmes traduits du silence » - recueil 2
(voir LIBRAIRIE)