Enfariné de la truffe à la queue, maître loup a de quoi montrer patte blanche, et plus encore si affinités. Le voici donc à son poste, donnant du heurtoir aux portes du biquet, et bêlant comme il put :

- Que Compostelle est loin encore ! Par saint Jacques, permettez qu'un mouton de passage, froidure aux tripes, retrouve un souffle au coin du feu.
- Froidure aux tripes ? réagit l'habitant, mais à quoi sert votre lainage ?
- Le loup que j'ai croisé tantôt n'a eu que le temps de le tondre, comme impôts l'eussent fait.
- Mille excuses, cousin ! mais respectons les usages. Présentez votre queue, ( queue de passe s'entend ) en la glissant sous la porte. Que l'on confirme étrangère au loup votre race et l'on vous ouvrira.
- Patte ou queue, que m'importe, se dit l'autre assez bas, les deux ont le teint de mes crocs.
Il en glissa donc un bout.
- Encore ! dit-on derrière, l'examen la requiert de la pointe au séant.

Et quel inconfort qu'il en coûtât, la voici au complet. Mais le caprin, la trouvant trop longue pour être ovine, ( en tous cas d'inconvenante pointure ) la faucha comme herbe folle ; la rendant ainsi plus conforme aux canons de la nature.

Tout raccourci qu'il fût, le pèlerin en prit un pour rentrer chez lui, et se dit, douleur en couenne, que son habit ne fait pas le moine.


in « Fables de compagnie » édition 2010
(voir LIBRAIRIE)

Lire, écouter ou visionner la fable de LA FONTAINE