en   MOT  dièse
petite  ANTHOLOGIE  de  poésie  et  de  musique  de  chambre

de Yves TARANTIK et Philippe MARTINEAU

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Le cigalon et le fourmillionnaire



L'hiver étant achevé
La fourmi fut confrontée
Aux mille travaux divers
Dont on ne saurait s'abstraire.
Un matin qu'elle s'échine
Avec balais et chiffon
Alentour de la maison,
Surgit une limousine
Et son chauffeur en livrée :
Bas résilles, rouge baiser
Turban de soie à aigrette
Et long fume-cigarette
Tapoté négligemment,
Devinez qui la surprend ?
" C'est vous ? Je vous croyais morte
Dit la fourmi froidement,
Quand j'ai refermé ma porte
J'ai pleuré les pauvres gens.
- C'est vrai, j'ai eu faim et froid,
Et j'ai cru mourir d'effroi :
J'ai minci dit la Cigale,
Désormais je me régale !
Car j'ai suivi vos conseils :
Je danse et chante aujourd'hui.
Dès demain je me marie :
Un Cigalon plein d'oseille
M'a promis monts et merveilles
Et je pars vivre au soleil
Dans un château andalou ;
C'est à vous que je dois tout !
Ne vous mettez plus en frais :
Vous en avez assez fait !
Jouissez de votre labeur,
Je subirai mon bonheur ! "
Là-dessus elle se cale
Sur les coussins de velours
Et trois cents chevaux détalent
L'emportant vers ses amours.
La Fourmi est en alarme
Et saisissant son balai,
S'écrie à travers ses larmes :
– La Fontaine, je te hais !

– Eh ! du calme, dit La Fontaine à la fourmi,
du haut de son nuage ancré au Paradis
( où saint Pierre
le fait poireauter au débarcadère
parce que quand même les contes...),
ce n’est pas de ma faute, reprend-il,
si la mode en cours réserve aux cigales l’argent facile !
Et si ça te fend le moral,
c’est surtout à ma Morale
qu’on attente en fin de compte.
Mais te fais pas de bile,
tu l’auras aussi ton automobile.
Il me suffit d’un jeu d’écriture pour que tu l’aies.
Tiens ! la voici, une superbe voiture-balai ;
de quoi faire place nette devant ton... château.
– ?...
– Oui ! c’est le tien,
pour toi édifié par mes soins...
et sans aucun matériau,
tant en littérature
il suffit de trois mots
pour faire acte d’architecture.
Et puis pour toi aussi un soleil andalou,
celui-ci est d’intérieur
et reste à toute heure
en tenue zénithale ;
à rendre jaloux
l’original !
Et puis, ce long cigare à l’oseille
avec tapoteur négligemment assorti,
aucun cigalon n’en a de pareil !
( sinon je réclame des royalties. )
Et puis, pour t’abstraire
des mille travaux divers
le nec plus ultra du confort électroménager.
Et puis pour époux et engrosser ton tas d’or,
un fourmillionnaire on ne peut plus âgé.
– La Fontaine, je t’adore !



par Julie DESMET (bio) et Philippe LEJOUR (bio) :
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